Troisième lecture du projet de loi S-228, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation)

Par: L'hon. Amina Gerba

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L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui avec une émotion profonde et un sens aigu de responsabilité à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-228, porté avec courage et détermination par notre collègue la sénatrice Yvonne Boyer.

Ce projet de loi est bien plus qu’un texte juridique. C’est un cri de justice. C’est une réponse à des décennies de souffrance silencieuse. C’est une reconnaissance claire du racisme systémique qui a infecté nos institutions de soins de santé.

J’ai eu l’honneur de participer à l’étude sur la stérilisation forcée et contrainte au Canada en tant que membre du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Nous avons tenu de nombreuses audiences et entendu des dizaines de témoignages déchirants. Le courage de ces femmes venues nous raconter l’indicible mérite notre plus profond respect.

Nous ne sommes pas là pour protéger les puissants. Nous sommes là pour défendre les personnes vulnérables.

Au Sénat, notre devoir est clair : représenter les minorités et faire en sorte que les lois que nous adoptons soient équitables, inclusives et non discriminatoires. Nous comptons parmi les gardiens de la dignité humaine.

Pourtant, notre étude a révélé une vérité glaçante : la stérilisation forcée n’est pas une histoire du passé. Elle demeure une manifestation concrète du racisme systémique dans nos institutions de soins de santé.

Ce racisme ne se limite pas aux communautés autochtones. Il touche aussi les femmes racisées, les femmes marginalisées et les femmes handicapées.

Aujourd’hui, je vais vous raconter une histoire qui m’a profondément marquée et qui pourrait choquer, mais qui doit être entendue. Il s’agit de l’histoire d’une femme d’affaires bien éduquée, bien établie. Pendant des années, elle a souffert de douleurs menstruelles atroces accompagnées de saignements abondants. Un jour, elle a failli s’évanouir dans un aéroport international. De retour au pays, elle décide de consulter son gynécologue. Le diagnostic tombe : endométriose.

On lui a dit qu’il existait une solution : une opération chirurgicale, un soulagement. Elle a fait confiance au système.

On lui propose une opération pour retirer l’endomètre. Elle accepte. L’intervention se passe bien. Elle reprend sa vie, ses voyages, ses affaires.

Deux ans plus tard, lors d’un examen de routine, son médecin lui prescrit une échographie pelvienne. Le choc se produit alors : l’échographie révèle que son utérus a été retiré. Elle tombe des nues. Elle n’en avait jamais été informée. Elle croyait avoir subi une simple ablation de l’endomètre. L’hôpital le lui confirme par écrit : son utérus a bel et bien été retiré. Selon les documents reçus, elle aurait donné son consentement pour toute intervention nécessaire.

Nécessaire pour qui? Nécessaire pour quoi? Elle a été stérilisée sans son consentement, à son insu et sans avoir été informée.

Chers collègues, cette femme, c’est moi. C’est grâce à l’étude menée par le comité que j’ai compris ce que j’avais vécu. J’ai compris que j’avais été victime de stérilisation forcée. Je n’en avais jamais parlé auparavant.

J’ai compris que le racisme systémique ne fait aucune distinction, ni entre les femmes éduquées ou non ni entre celles qui sont fortunées ou non. Il nous touche toutes, femmes autochtones et racisées, parce que lorsque nous entrons dans le système de soins de santé ou le système de justice, nous sommes perçues d’une seule et même manière : avec suspicion, avec indifférence, avec trop peu de considération. D’ailleurs, cette attitude des services de santé a un nom : la misogynoire. En avez-vous entendu parler? C’est une double discrimination, à la fois sexiste et raciste, subie uniquement par les femmes noires. Ce terme peu connu a d’ailleurs été créé en 2008 par l’universitaire américaine Moya Bailey.

Selon Agnès Berthelot-Raffard, professeure adjointe à la Faculté de santé de l’Université York, l’une des conséquences de la misogynoire est la supposition selon laquelle les femmes noires peuvent davantage supporter la douleur que les autres. Ces discriminations sont inacceptables.

C’est pour défendre une véritable égalité au sein de tous dans nos systèmes de santé que j’ai choisi de témoigner aujourd’hui devant cette assemblée. Je parle pour briser le silence. Je parle pour mettre fin à ce racisme systémique. Je parle pour qu’aucune femme, plus jamais, ne découvre par hasard qu’on lui a retiré son utérus.

Le projet de loi S-228 est un pas essentiel vers la justice. Il reconnaît que la stérilisation sans consentement est une mutilation. Il inscrit dans le Code criminel que ces actes sont des crimes, point final.

Honorables sénateurs, ce projet de loi ne se cantonne pas à des questions juridiques. Il porte aussi sur la dignité, la vérité et la guérison. Le projet de loi S-228 lutte contre le racisme systémique dans notre système de santé. Soyons la voix qui leur a été refusée. Soyons la justice qu’elles méritent.

Chers collègues, je vous invite à voter en faveur de ce projet de loi pour qu’il soit renvoyé très rapidement à l’autre endroit, et ce, pour les femmes autochtones, pour les femmes racisées et pour toutes celles qui ont été réduites au silence.

Votez en faveur de la justice et de la dignité. Votez en faveur du projet de loi S-228.

Je vous remercie.

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