Motion tendant à ce que tous les comités prennent en considération les influences et impacts de la technologie dans le cadre de toute étude pour le reste de la présente session

Par: L'hon. Katherine Hay

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L’honorable Katherine Hay : Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer sans réserve la motion no 3, présentée par le sénateur Colin Deacon.

Cette motion importante arrive à point nommé. La technologie transforme tous les aspects de la vie au Canada, de notre façon de travailler et d’apprendre à notre façon de gouverner, de soigner et de communiquer les uns avec les autres. Il est essentiel que l’ensemble des comités sénatoriaux accordent une place centrale à la technologie dans toutes leurs études afin d’assurer une gouvernance responsable en cette période de transformation rapide.

Cela signifie qu’il faut non seulement se demander ce que la technologie peut faire, mais aussi qui en bénéficie, qui peut être affecté négativement et comment ces changements renforcent le bien-être et la prospérité de la société dans son ensemble. En d’autres termes, savoir comment la transformation amenée par la technologie est tout aussi important que de savoir ce qui sera transformé.

Cette motion nous demande de reconnaître que le statu quo n’est pas une option. Un second examen objectif ne devrait pas aboutir au statu quo. En outre, aussi complexes que puissent être la technologie et l’innovation — et elles le sont —, ce qui est encore plus vrai, c’est que la technologie évolue rapidement.

Permettez-moi de vous dire que j’ai des doutes quant à la capacité du Sénat à toujours agir rapidement. Cependant, je crois que le Sénat peut évoluer au rythme de la technologie. En fait, nous n’avons pas le choix. Nous sommes engagés dans une course technologique mondiale — au milieu de nombreux marathons — qui réécrit toutes les questions dont le Sénat s’occupe, et le Canada doit prendre les devants, et non rester à la traîne.

Que nous le voulions ou non, la technologie, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique influencent certaines des questions les plus pressantes du monde, depuis les soins de santé jusqu’à l’économie et aux marchés, en passant par la sécurité nationale, l’éducation, la santé mentale, le climat et les personnes, vous et moi.

Les technologies émergentes progressent à une vitesse sans précédent. Les Canadiens s’attendent non seulement à des outils de pointe, mais aussi à l’équité, à la transparence, au contrôle éthique et à des systèmes résistants. Si nous ne tenons pas compte de la technologie dans notre travail, nous perdrons de l’influence, nous passerons à côté de quelque chose que nous ne devrions pas, et nous risquons même de perdre toute pertinence. C’est difficile de changer, mais perdre sa pertinence l’est encore plus.

Laissez-moi vous emmener dans mon ancien monde. J’aimerais bien vous promettre de ne pas en parler à chacune de mes interventions, mais je crains de ne pas y arriver. Quoi qu’il en soit, j’aimerais maintenant vous demander de vous souvenir de deux choses — un nom et une déclaration — sur lesquelles je reviendrai plus tard :

Le nom est Adam Raine, et voici la déclaration :

J’allais essayer de me tuer ce soir quand j’ai demandé de l’aide, et ils m’ont tellement aidé que j’ai l’impression de pouvoir me battre un jour de plus. Et ils m’ont dit que j’étais un battant.

J’adore parler de mon passage dans des endroits où les gens ne savent pas trop pourquoi j’y prends la parole : sur les scènes de festivals de la technologie comme Elevate ou, avant cela, Collision; à Davos et au Forum économique mondial; même à des conférences mondiales sur la santé mentale qui ne tiennent pas nécessairement compte du numérique, comme celles qui se déroulent à Singapour, en Australie ou au Royaume-Uni; puis ici, à la Chambre haute, le Sénat du Canada.

Je donne une autre citation. En fait, il ne s’agit pas réellement d’une citation.

Qu’est-ce qu’un organisme de bienfaisance de services sociaux — peut-être l’organisme de bienfaisance qui inspire le plus confiance au Canada, mais un organisme de bienfaisance de services sociaux quand même — vient faire sur la scène pour nous parler de technologie?

Le voyage dont je vais parler est en rapport avec la motion no 3 ainsi qu’avec la technologie et l’innovation. Je parlerai d’une chose simple : un changement de mentalité, exactement ce que la motion no 3 nous invite tous à faire.

À Jeunesse, J’écoute, l’organisme de bienfaisance de services sociaux que j’ai mentionné et la seule solution de cybersanté mentale disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, d’un bout à l’autre du Canada, ce changement de mentalité a eu lieu il y a sept ou huit ans.

Il reposait sur l’idée que, si l’on sait qui l’on est, on sait où aller : on le voit réellement.

Nous, les membres de la haute direction et du conseil d’administration, tentions de déterminer comment nous allions conserver notre pertinence. Les jeunes changent rapidement, et la technologie encore plus. Nous avons fait quelque chose de très étrange : nous avons mis de côté deux choses qui semblaient évidentes. Nous avons mis de côté le fait que nous étions un organisme de bienfaisance, car c’était une évidence. Nous avons aussi mis de côté le fait que nous nous occupions de la santé mentale des jeunes, car c’était évident avec un nom comme Jeunesse, J’écoute. Nous avons ensuite tenté de déterminer ce que nous devions faire pour la suite, et là ce n’était pas aussi évident.

Cependant, déjà à l’époque, nous comprenions que nous étions un organisme de bienfaisance à vocation technologique, axé sur l’innovation et les données, et dont la mission première était d’offrir aux jeunes un soutien en santé mentale. Il s’agissait d’une simple réorganisation des mots, d’une simple nuance, mais c’était aussi un changement de mentalité. Nous avons changé la manière dont nous nous présentions, et cela a tout changé : la façon dont nous organisions nos services de première ligne, notre mode de fonctionnement, notre vision, notre stratégie et notre image de marque. Nous avons rapidement mis en place l’impératif d’innovation; « impératif » étant ici le mot-clé.

En 2018, nous avons utilisé l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique pour lancer de nouveaux services et de nouvelles technologies. Nous avons créé de nouveaux programmes et des points d’accès d’un océan à l’autre, en mettant l’accent sur l’équité. Nous avons même changé notre façon de faire. Nous ne nous sommes pas contentés de rester sagement assis au coin de la table et de demander la parole. Nous avons pris notre place à cette table et l’avons même présidée à plusieurs reprises.

Aussi intelligents que nous pensions être avec cette nouvelle attitude, ce que nous ne savions pas — nous n’en avions aucune idée —, c’est que nous étions en train de préparer le terrain pour la COVID. Lorsque le Canada et le monde entier se sont confinés, nous avons intensifié nos activités, encore et encore, passant de 1,9 million d’interactions en 2019, soit une augmentation de 30 % par rapport à l’année précédente, à plus de 22,5 millions d’interactions en date d’hier, soit une augmentation de 250 %.

Avec une telle croissance, il faut décider ce à quoi on devra renoncer. Nous avons promis aux jeunes que nous serions là pour eux, alors à quoi pouvions-nous renoncer? À rien. Les technologies, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique ont joué un rôle essentiel dans notre expansion et nous ont permis de conserver des temps d’attente d’environ trois minutes et demie sur toute période de 24 heures et des scores de qualité supérieurs à 90 %. Jeunesse, J’écoute a évolué au rythme des jeunes et des technologies.

Je vous parle de cette application concrète de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique — des technologies et de l’innovation —, car elle a nécessité un choix très clair et délibéré : un changement de mentalité.

Depuis lors, Jeunesse, J’écoute s’est illustrée à maintes reprises dans le secteur de l’innovation technologique, lançant même l’accélérateurJJ’E au festival Elevate en octobre dernier et à Davos en janvier dernier. Pourquoi? Parce que des vies en dépendent.

Revenons à la motion no 3 et à nous tous. Si le Sénat examine la technologie en vase clos, il risque de favoriser des systèmes qui, sans le vouloir, laissent des personnes de côté ou causent du tort. En élargissant explicitement son champ de vision, le Sénat peut contribuer à faire en sorte que le Canada bâtisse une économie qui soit non seulement innovante et compétitive, mais aussi juste et inclusive. Il ne s’agit pas là de questions marginales. Elles sont essentielles pour faire en sorte que les progrès technologiques apportent de réels avantages aux Canadiens.

D’autres administrations l’ont reconnu. Le programme Horizon Europe de l’Union européenne, le Manuel d’Oslo de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, et la CHIPS and Science Act aux États-Unis exigent tous que la technologie soit évaluée en tenant compte de ses effets socio-économiques plus vastes. Le Royaume-Uni et les pays nordiques intègrent également ces dimensions dans leurs stratégies d’innovation, mesurant le succès non seulement à l’aune des brevets et des profits, mais aussi de la santé, de l’équité, de l’inclusion et de la prospérité régionale.

Le Canada ne devrait pas en faire moins. Il ne fait aucun doute que le rythme du changement est implacable. Le Sénat peut soit façonner ce changement, soit se laisser dépasser. La motion no 3 est une mesure simple et structurelle qui vise à prendre en compte la perspective technologique dans tous les travaux des comités. Il ne s’agit pas d’un détail de procédure, mais d’un acte décisif qui permettra aux comités de protéger les Canadiens, de préserver l’équité et de veiller à ce que les politiques publiques soient en phase avec la façon dont les gens vivent, travaillent et se divertissent.

Revenons au début : Adam Raine, un Californien de 16 ans qui était un garçon formidable, s’est suicidé en avril 2025 avec l’aide de ChatGPT.

J’allais essayer de me tuer ce soir quand j’ai demandé de l’aide, et ils m’ont tellement aidé que j’ai l’impression de pouvoir me battre un jour de plus. Et ils m’ont dit que j’étais un battant…

Ce commentaire vient d’un utilisateur du service Jeunesse j’écoute. Quand il a été détecté au moyen d’un outil d’intelligence artificielle, il a été renvoyé à un intervenant humain spécialisé dans les situations de crise.

Au Canada, le statu quo n’est pas une option. Il y a trop d’Adam qui nous demandent, nous supplient, de faire en sorte que la technologie soit au service du bien dans le cadre de tous nos travaux. Le temps presse. L’innovation et les technologies basées sur les données peuvent réellement sauver des vies.

Nous devons nous demander, dans chaque comité et au cours de chaque étude, quel est l’impact de la technologie — de l’IA, de l’apprentissage automatique — sur ce dossier au Canada. La motion no 3 entraîne un changement de mentalité qui peut tout changer.

Merci, chers collègues. Meegwetch.

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