L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je suis honorée de prendre la parole aujourd’hui sur les terres des Algonquins et des Anishinaabes pour appuyer le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il traite d’une question cruciale que je continuerai de défendre, car il s’agit d’une des violations des droits fondamentaux les plus graves ayant lieu au Canada de nos jours. Je remercie la sénatrice Pate des efforts inlassables qu’elle a déployés afin de présenter à nouveau le projet de loi.
Les effets durables du temps passé en isolement se font sentir après seulement 48 heures d’isolement. Des conséquences à plus long terme, telles que des dommages psychologiques irréversibles, peuvent survenir après 15 jours d’isolement.
Honorables sénateurs, Tona, dont beaucoup d’entre vous ont déjà entendu parler, a passé 10 ans en isolement. J’ai eu l’occasion de lui rendre visite cet été. Tona a enduré plus que quiconque ne devrait jamais avoir à endurer. Son souhait le plus cher est que personne d’autre ne subisse de dommages durables à sa santé mentale du fait d’avoir été détenu en isolement.
Tona est une femme résiliente, bienveillante et brillante. Il est tout à fait approprié que le projet de loi porte son nom. C’est véritablement son legs. Survivante de la rafle des années 1960, Tona a passé 10 ans en isolement. Réfléchir à ce qu’elle a enduré suscite une profonde colère. Pourtant, Tona elle-même éprouve une profonde gratitude envers la sénatrice Pate pour avoir présenté le projet de loi. Ses expériences ont fait d’elle un symbole de force et d’espoir essentiel.
Au cours de l’étude sur les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a formulé 71 recommandations après avoir examiné en profondeur notre système correctionnel. Je vais maintenant souligner deux des recommandations de l’étude qui sont étroitement liées à la loi de Tona. Elles se trouvent à la page 177 du rapport sur l’étude, si certains d’entre vous souhaitent le consulter à nouveau.
La recommandation 33 est :
Que le Service correctionnel du Canada s’assure que les unités d’intervention structurées respectent les plus récentes décisions judiciaires ainsi que les obligations et les engagements du Canada en matière de droit de la personne, notamment :
en éliminant le recours à l’isolement cellulaire;
en tenant compte des besoins et des expériences différentes de groupes particuliers, y compris les personnes LGBTQI2 et les femmes;
en éliminant l’isolement cellulaire se prolongeant sur plus de 15 jours;
en offrant des occasions de contact humain réel et un accès sans interruption aux programmes ainsi qu’un accès 24 h sur 24 aux services de santé et de santé mentale;
en établissant un mécanisme judiciaire de surveillance indépendant pour examiner tous les cas de placement dans une unité d’intervention structurée et des décisions connexes.
La recommandation 34 est :
Que le Service correctionnel du Canada cesse immédiatement le recours à l’isolement, quelle que soit la désignation employée, des jeunes, des femmes et des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale invalidants, et qu’il effectue des évaluations de la santé mentale et mette en place une surveillance judiciaire pour éliminer la surreprésentation dans les unités d’intervention structurées des personnes autochtones, noires ou d’autres origines raciales et de celles ayant des problèmes de santé mentale.
Honorables sénateurs, je vous rappelle que notre comité a présenté des recommandations en 2021. Je vous encourage à revoir les conclusions et les recommandations de l’étude pour comprendre l’importance fondamentale du projet de loi S-205. J’appuie sans réserve ce projet de loi, car je crois que personne ne mérite de subir l’expérience inhumaine de l’isolement, peu importe le nom qu’on donne à cette mesure. Je crois que nous pouvons légiférer afin d’apporter de bonnes solutions de rechange. J’exhorte les sénateurs à adopter ce projet de loi.
Comme l’a dit Tona lorsque je l’ai vue la semaine dernière — je veux que vous entendiez ce qu’elle a dit —, « adoptons ce projet de loi afin que je puisse mourir en paix ».
Merci, asante.