L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, à l’occasion du départ du très honorable Brian Mulroney, je veux offrir mes sincères condoléances à son épouse, Mila, à ses enfants et à ses amis et lui rendre hommage. Ce Québécois de souche irlandaise maîtrisait l’art du dialogue et de l’écoute comme peu savent le faire aujourd’hui. J’ai eu l’occasion de le constater à trois reprises. Peu de temps après son arrivée au pouvoir, en 1984, le premier ministre Mulroney a voulu montrer qu’il allait gouverner pour tous les Canadiens et chercher à obtenir des consensus. Il a organisé à Ottawa un grand rassemblement de plus de 300 acteurs économiques issus des organisations d’affaires et des syndicats. J’étais alors professeure à l’université et j’accompagnais la délégation syndicale de ma province à titre de rapporteure dans les ateliers.
À l’ouverture de l’événement, Brian Mulroney a été très clair : il était là pour écouter. Je l’ai vu aussi à l’œuvre à l’étranger, en 1989, alors qu’il parrainait une délégation canadienne de gens d’affaires qui étaient à Moscou pour soutenir la perestroïka du président Gorbatchev. J’y accompagnais mon conjoint. J’ai été très impressionnée par l’envergure de ses propos et par l’espoir bienveillant qu’il manifestait devant la décentralisation de l’Empire soviétique. Les grands défis ne lui faisaient pas peur.
Enfin, à l’été 2015, j’ai eu le privilège de m’entretenir seule à seul pendant au moins une heure avec lui sur le sujet de la modernisation du Sénat. Je voulais tester mes idées auprès de cet ex-premier ministre qui a dû faire face à un Sénat peu réceptif à ses projets de libre-échange et de taxe sur les produits et services — des projets qui étaient révolutionnaires à l’époque.
Nous avons discuté du rôle du Sénat et des conditions institutionnelles nécessaires pour qu’il puisse mieux jouer son rôle de second examen attentif. Il m’a d’abord écoutée attentivement. Puis, avant même que j’aie terminé de présenter mes analyses, il m’a interrompue en déclarant qu’il fallait en finir avec le bipartisme au Sénat, que la tentation était trop forte pour les gouvernements au pouvoir de vouloir contrôler le Sénat et que c’était trop facile quand les sénateurs étaient nommés et qu’il n’y avait que deux groupes de sénateurs. Brian Mulroney confirmait mon analyse et en a même rajouté.
Je lui ai demandé s’il m’encourageait à essayer de créer un troisième groupe de sénateurs indépendants, comme il en existe un à la Chambre des lords. Il m’a répondu par l’affirmative en ajoutant d’un ton sérieux et grave : « Mais attendez après la prochaine élection. » J’ai suivi son conseil.
Brian Mulroney maîtrisait l’art du dialogue et de la négociation, car il savait écouter les groupes comme les individus, ce qui est une condition nécessaire à tout changement profond. Je remercie le très honorable Brian Mulroney de sa contribution mémorable au développement du Canada.
Des voix : Bravo!