Des survivantes de l’exploitation sexuelle

Par: L'hon. Julie Miville-Dechêne

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Parliament and the Supreme Court of Canada, Ottawa

L’honorable Julie Miville-Dechêne : J’ai l’honneur de vous présenter deux femmes remarquables et courageuses, Kathy King et Andrea Heinz, deux survivantes qui ont choisi d’utiliser les épreuves et les traumatismes qu’elles ont vécus pour changer la perception qu’a le Canada de la véritable nature de l’exploitation sexuelle commerciale.

Cara King a été trouvée morte il y a 30 ans, un mois après avoir disparu des rues d’Edmonton. Selon sa mère, Kathy King, Cara consommait de la drogue, souffrait de psychose et était victime d’exploitation sexuelle. Elle n’arrivait pas à trouver de l’aide.

Après sa mort, Cara a été jugée, stigmatisée et pratiquement tenue responsable de l’exploitation dont elle avait été victime, tandis que personne ne s’est préoccupé des agresseurs.

À l’âge de 22 ans, Andrea Heinz était criblée de dettes et sortait d’une relation toxique. Elle est entrée dans le monde de la prostitution en répondant à une annonce dans le journal. Elle a vendu des services sexuels 4 300 fois en sept ans avant de réaliser que ce n’était pas un travail comme les autres. Comme elle souffrait de dissociation, elle avait pu supporter que des inconnus lui crachent dessus, la frappent, retirent leur préservatif sans son consentement, l’étranglent et la couvrent d’insultes dégradantes.

Kathy King et Andrea Heinz ont décidé de réagir et de déclarer haut et fort qu’une société comme la société canadienne ne doit pas tolérer l’exploitation sexuelle commerciale des femmes. C’est ainsi qu’est né leur livre intitulé When Men Buy Sex: Who Really Pays?, qui a été publié en 2024 et qui a été primé.

Les auteures constatent dans leur ouvrage qu’on s’interroge beaucoup sur la condition et les supposés choix des femmes qui vendent des services sexuels, alors qu’on devrait tourner notre regard vers les acheteurs, les clients. Pourquoi certains hommes choisissent-ils d’acheter ainsi des femmes? Est-ce une conséquence inévitable de l’inégalité entre les sexes? Est-ce qu’une compensation financière peut vraiment justifier le préjudice infligé à celles que l’on achète? Non, bien sûr.

Plutôt que de s’engouffrer dans une lutte idéologique avec les travailleuses du sexe, King et Heinz ont choisi de devenir éducatrices pour le Sex Trade Offender Program d’Edmonton, destiné aux hommes reconnus coupables pour la première fois d’achat de services sexuels. Selon les auteures, ce programme fonctionne et diminue les récidives, car les participants deviennent conscients des préjudices infligés aux femmes et développent de l’empathie.

Cependant, il s’agit seulement d’une petite partie de la solution pour diminuer la demande en services sexuels. Il faut faire de la prévention, privilégier l’éducation auprès des garçons et des filles, appliquer les lois et des budgets pour mettre en place des stratégies de sortie de la prostitution.

Mme Heinz et Mme King veulent lutter contre l’inertie, l’indifférence et la normalisation de cette exploitation, qui est souvent liée à la traite des filles et des femmes à des fins sexuelles. J’admire ces deux femmes qui sont à Ottawa pour sensibiliser la population. Applaudissons leurs efforts.

Des voix : Bravo!

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