L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, je veux d’abord remercier la sénatrice McCallum de son discours.
En tant qu’Autochtone et porteur d’un bâton à exploits, je suis personnellement offusqué et consterné par le rappel au Règlement qui a été fait plus tôt. À mon avis, le fait de qualifier la plume d’aigle, qui est traitée avec le plus grand respect par toutes les Premières Nations, d’accessoire en dit long sur le besoin d’offrir sans délai une formation à tous les parlementaires sur la richesse et la diversité des philosophies, des histoires, des traditions et des cultures des Premières Nations, des Métis et des Inuits au Canada.
Je crois aussi que ce rappel au Règlement en dit long sur l’importance cruciale du projet de loi. Il vise à ce que le Canada respecte les normes minimales — et non maximales — nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones qui, pendant des générations, ont subi des campagnes d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture, de leur langue et de leur existence même.
Nous sommes en droit de nous attendre, comme n’importe quel autre Canadien, que nos croyances et nos pratiques soient respectées et acceptées, à l’intérieur et à l’extérieur du Sénat. S’excuser est une preuve de leadership; je remercie donc le sénateur Plett. Cependant, il nous faut maintenant apporter des changements pour que ces situations ne se répètent plus à l’intérieur ou à l’extérieur du Sénat. Une fois est une fois de trop.
Maintenant que je me suis vidé le cœur, nous sommes ici aujourd’hui pour parler de l’amendement présenté par la sénatrice McCallum, pour qui j’ai le plus grand respect et la plus grande admiration. Je la félicite pour l’énorme travail qu’elle a accompli sur ce projet de loi. Je la félicite aussi au nom des Autochtones.
Comme elle, je partage les sentiments de méfiance, de scepticisme, voire de peur à l’égard des gouvernements fédéraux consécutifs, tant libéraux que conservateurs, qui nous ont laissé tomber à maintes reprises. Il est difficile pour beaucoup de gens de croire que le Canada et les parlementaires agiront honorablement envers les Autochtones, mais j’ai espoir que nous avons entamé une introspection nationale et que le Canada et les Canadiens feront mieux. Comme le sénateur Klyne l’a mentionné tout à l’heure, il est temps de devenir le Canada que nous voulons être.
Pour déterminer le pouvoir et la portée du projet de loi C-15 et pour savoir s’il met vraiment en œuvre la déclaration des Nations unies, les tribunaux examineront le libellé de ce dernier pour analyser son objet et son intention. Comme le précise l’article 4, les objectifs du projet de loi C-15 sont les suivants :
a) de confirmer que la [d]éclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien;
b) d’encadrer la mise en œuvre de la [d]éclaration par le gouvernement du Canada.
Bon nombre des amendements proposés par la sénatrice McCallum portent sur des préoccupations relatives à la mise en œuvre de la déclaration, y compris la modification de l’objet du projet de loi en remplaçant le mot « confirmer » par « mettre en œuvre » pour plus de clarté. Cependant, le paragraphe 4b) indique clairement que l’objet du projet de loi est de mettre en œuvre la déclaration. Par conséquent, je maintiens que cet amendement n’est pas nécessaire.
Le libellé de l’article 4b) indique que le projet de loi a pour objet d’encadrer la mise en œuvre de la Déclaration par le gouvernement du Canada. Cette position a été appuyée par le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord dans son témoignage devant le comité le 7 mai dernier, où il a indiqué que le projet de loi C-15 sera utilisé dans l’interprétation du droit canadien. Le projet de loi a pour but d’encadrer la façon dont cela se produira et de confirmer que la Déclaration est une source d’interprétation du droit canadien.
De plus, la ministre Bennett a également confirmé que le dépôt du projet de loi C-15 respecte l’engagement du gouvernement à présenter un projet de loi et à mettre en œuvre la déclaration, faisant du projet de loi C-262 le minimum plutôt que le maximum.
En plus du libellé dans la section sur l’objet de la loi, l’alinéa 4a) est une affirmation du Canada que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones s’applique dans la législation canadienne. Cependant, cet énoncé n’est pas nouveau puisque, comme vous le savez, la Déclaration s’applique réellement au Canada. À l’heure actuelle, elle est utilisée comme outil d’interprétation par les tribunaux, mais les tribunaux ont un grand pouvoir discrétionnaire pour déterminer comment appliquer la Déclaration des Nations unies. Cette situation a donné lieu à des jugements qui ne vont pas dans le sens des droits fondamentaux des Autochtones.
Ce projet de loi nous aidera à corriger le tir. La ratification de la loi donne plus de poids à la Déclaration des Nations unies et à la manière dont les tribunaux peuvent l’utiliser, non seulement pour l’interpréter, mais aussi pour trouver des obligations et des droits fondamentaux.
Si l’on examine l’alinéa 4b), ce libellé peut facilement convaincre un tribunal que le Canada vise à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies par l’entremise du projet de loi C-15. Les tribunaux examineraient ensuite les autres dispositions du projet de loi C-15 pour déterminer quelle forme prendra la mise en œuvre. Voilà le plan d’action. Il est donc important que le plan d’action, tel qu’il est inclus dans le projet de loi C-15, soit bien révisé, car les tribunaux s’y référeront pour interpréter l’engagement du Canada à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies.
Ce projet de loi n’est pas parfait. Aucun ne l’est. Je suis toutefois convaincu que nous devons adopter le projet de loi C-15 sans tarder. Il serait honteux pour cette institution de répéter ce qui s’est produit avec le projet de loi C-262.
Au Comité des peuples autochtones, nous avons entendu de nombreux témoins, dans le cadre de l’étude préliminaire du projet de loi C-15, qui nous ont exhortés à adopter le projet de loi sans amendement de crainte qu’il soit rejeté. Parmi ces témoins, il y avait des dirigeants et des titulaires de droits autochtones, notamment l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis, l’Inuit Tapiriit Kanatami, Nunavut Tunngavik Inc, le Grand conseil des Cris, la nation dénée et le Conseil des leaders des Premières Nations de la Colombie-Britannique, ainsi que des universitaires autochtones, dont Brenda Gunn, Val Napoleon, Pamela Palmater, Sheryl Lightfoot, Naiomi Mettalic et Wilton Littlechild, ancien commissaire de la Commission de vérité et réconciliation. En tant que titulaire de droits, j’appuie ce point de vue. C’est une occasion historique d’avancer dans la bonne direction. Ce changement ne se fera pas sans problèmes, mais il se fait attendre depuis longtemps.
Je ne m’attarderai pas davantage sur les raisons pour lesquelles je n’appuie pas les amendements. Les Autochtones, à l’instar des non-Autochtones, ne partagent pas toujours le même avis au sujet des politiques et d’autres questions. Cet amendement en est un exemple. Il existe diverses opinions. Nous pouvons respectueusement convenir que nous ne sommes pas d’accord au sujet de l’amendement. Merci. Wela’lioq.