L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, c’est le cœur lourd que je prends la parole pour rendre hommage à Mme Jane Goodall, qui est décédée la semaine dernière à l’âge de 91 ans. C’était une femme charmante avec laquelle il était agréable de passer du temps, et j’ai le privilège et l’honneur de l’avoir comptée parmi mes amis.
Nous nous souvenons de Mme Goodall comme d’une primatologue de renommée mondiale, d’une protectrice de l’environnement et d’une messagère de la paix des Nations unies. Elle a également fondé l’Institut Jane Goodall, un organisme communautaire qui œuvre dans le monde entier pour sauver la faune, y compris au Canada. Pour le Sénat, Mme Goodall était une amie qui nous a inspirés et aidés dans nos efforts pour faire adopter la Loi de Jane Goodall, la protection juridique la plus rigoureuse au monde pour les animaux sauvages en captivité.
Comme je l’ai dit lorsqu’elle nous a rendu visite en avril de l’année dernière, les découvertes de Mme Goodall sur nos plus proches parents du monde animal, les chimpanzés, ont révolutionné la compréhension qu’a l’humanité de sa relation avec les animaux. Mme Goodall a utilisé la science pour prouver ce que de nombreux peuples autochtones ont toujours su : nous ne sommes pas séparés des créatures qui nous entourent, mais nous sommes liés à elles au même titre que « toutes nos relations ». Notre regretté collègue l’honorable Murray Sinclair, auteur de la Loi de Jane Goodall initiale, l’a qualifiée de « […] véritable aînée de la société mondiale […] ».
Avec la disparition de Mme Goodall, Dame Nature a perdu sa plus grande championne. L’humanité a perdu une héroïne qui incarnait le meilleur de nous-mêmes. Cependant, son esprit et son travail se perpétuent à travers ceux qu’elle a inspirés, notamment des milliers de jeunes grâce à son programme Roots and Shoots, qui est actif dans plus de 75 pays.
En cette période de changements climatiques, d’extinction massive et de cruauté envers les animaux et les uns envers les autres, Mme Goodall nous a appris que notre première mission est d’entretenir l’espoir. Elle nous a montré que l’espoir n’est pas une attitude, mais une action. Elle nous a appris que nous pouvons changer les choses tous les jours et que nous ne devons jamais abandonner.
Je parlerai davantage de l’héritage de Mme Goodall. Tout d’abord, je vais parler un peu plus de sa vie.
Alors qu’elle grandissait en Angleterre, Mme Goodall rêvait d’aller en Afrique pour vivre parmi les animaux sauvages et apprendre d’eux. Comme elle le disait souvent à la blague, le plan était aussi de donner à Tarzan la chance d’épouser la bonne Jane. Sa famille n’avait pas beaucoup d’argent, et le monde était alors différent pour les filles. Comme elle le disait, tout le monde, sauf sa mère, se moquait de son rêve. Pourtant, elle a persévéré.
Au début de la vingtaine, Mme Goodall a obtenu un emploi comme secrétaire de Louis Leakey, l’anthropologue qui a découvert les fossiles des premiers êtres humains en Afrique de l’Est. Monsieur Leakey a senti son potentiel et l’a embauchée pour étudier les chimpanzés, nos plus proches parents encore vivants. En 1960, Mme Goodall et sa mère se sont rendues à Gombe Stream, en Tanzanie. Le rêve de la jeune Jane de vivre dans la forêt s’était réalisé. La table était mise pour que Mme Goodall puisse révolutionner la biologie, éliminer les obstacles pour les femmes et les filles de partout et changer le monde.
Après avoir patiemment gagné la confiance des chimpanzés pendant des mois, elle a vu un chimpanzé qu’elle a baptisé David Greybeard fabriquer et utiliser des outils pour attraper des termites. À l’époque, les scientifiques pensaient que la fabrication d’outils distinguait les humains des animaux. En réponse, M. Leakey a envoyé son télégramme célèbre : « Nous devons maintenant revoir notre définition de ce qui constitue un outil et un humain, ou alors considérer les chimpanzés comme des humains. »
Contrairement à ce que croyait le milieu scientifique, qui était dominé par les hommes à l’époque, Mme Goodall a prouvé que les animaux ont un esprit, une personnalité et des émotions. Sa découverte a eu de profondes répercussions, y compris, selon elle, sur le plan spirituel. Mme Goodall a dit :
Dans la forêt, j’avais cette forte prise de conscience spirituelle, cette impression d’une puissance spirituelle. Et c’était tellement intense dans la forêt. On ne peut s’empêcher de comprendre à quel point tout est interconnecté. Il m’arrivait souvent de penser, assise là toute seule, que […] il y a peut-être une étincelle de cette grande force spirituelle en chacun de nous. Et si c’est le cas, alors peut-être qu’elle se trouve aussi dans chaque animal. C’est peut-être ce qui nous donne la vie. Comme nous devons tout nommer, nous appelons cela une âme. Par conséquent, si nous avons une âme, les chimpanzés en ont une aussi.
Au fil du temps, le travail de Mme Goodall s’est transformé en une vision et une mission visant à sauver nos plus proches parents et toutes les espèces vivantes de l’extinction en mettant l’accent sur la conservation communautaire. Jusqu’à sa mort, Mme Goodall a voyagé 300 jours par an pour diffuser son message d’espoir, ce qui inclut une visite à Ottawa le mois dernier.
Comme l’a déclaré le premier ministre Carney à la suite du décès de Jane Goodall, nous devons désormais « reprendre le flambeau ». Je m’en remets au modèle d’excellence qu’était Jane Goodall pour prendre conscience de ce que nous pouvons tous faire afin de nous en rapprocher un peu.
Sénateurs, le week-end dernier, vous avez peut-être vu le documentaire intitulé Famous Last Words, diffusé sur Netflix. Il s’avère que Mme Goodall avait préenregistré une entrevue à diffuser après son décès.
Si vous n’avez pas déjà regardé cette entrevue, vous en avez peut-être entendu parler. En effet, Jane Goodall a fait part de ses commentaires sur plusieurs dirigeants mondiaux, soulignant qu’elle aimerait voir Elon Musk les inviter à faire un très long voyage à bord de son vaisseau spatial. Pour les fins du compte rendu, je vous faire part des derniers mots de Jane Goodall :
Là où je suis maintenant, je repense à ma vie. Je regarde le monde que j’ai quitté. Quel message souhaité-je laisser? Je veux m’assurer que vous compreniez tous et toutes que chacun d’entre vous a un rôle à jouer. Vous l’ignorez peut-être. Vous ne le trouverez peut-être pas. Mais votre vie est importante et vous êtes là pour une bonne raison.
J’espère que cette raison deviendra apparente à un moment de votre vie. Sachez que peu importe si vous découvrez ce rôle ou non, le rôle que vous devez jouer, votre vie est importante. Chaque jour de votre vie, vous changez le monde à votre échelle et c’est bien vous qui choisissez le changement que vous opérez.
Comprenez que nous ne faisons qu’un avec la nature. Et même aujourd’hui, dans ces heures sombres pour la planète, l’espoir subsiste. Ne perdez pas espoir. Quand on perd espoir, on tombe dans l’apathie et on ne fait plus rien. Si vous voulez sauver la beauté qui demeure dans ce monde, si vous voulez sauver la planète pour les prochaines générations, vos petits-enfants, leurs petits-enfants, alors réfléchissez à vos actions au quotidien.
Parce que multipliées par un million, par un milliard, les plus petites actions mènent à de grands changements […] J’espère que vous comprendrez que notre vie sur notre planète n’est pas la fin. Je crois, et aujourd’hui je sais, qu’il y a une vie après la mort, que la conscience survit.
Je ne peux pas partager avec vous ces secrets de là où je suis, vous dire ce que vous trouverez quand vous quitterez la planète. Mais je veux que vous sachiez que votre vie sur notre planète déterminera la vie que vous vivrez après votre mort.
Je veux surtout que vous songiez au fait que, sur la planète Terre, nous avons besoin de Dame Nature pour avoir de l’air pur, de l’eau, de la nourriture, des vêtements et tout le reste. En détruisant les écosystèmes les uns après les autres, nous aggravons les changements climatiques et la perte de diversité. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour offrir un monde meilleur aux enfants d’aujourd’hui et à ceux qui viendront après eux.
Vous avez le pouvoir de changer les choses. N’abandonnez pas. Il y a un avenir pour vous. Faites de votre mieux tant que vous êtes encore sur cette belle planète Terre, que je contemple d’où je suis.
Que Dieu vous bénisse tous.
C’était les paroles de Jane Goodall.
Merci.