L’honorable Diane Bellemare : Merci beaucoup, tout le monde. Je rappelle également avec gratitude que nous sommes réunis sur les territoires non cédés de la nation algonquine anishinabe depuis des temps immémoriaux, et je suis très fière d’être ici, avec de nombreux sénateurs de partout et des sénateurs issus des peuples autochtones. Je remercie aussi mon groupe, celui avec lequel je termine cette aventure au Sénat du Canada.
Bien sûr, je suis très émue, donc je vais lire mes notes, parce que j’y ai travaillé fort, même si j’ai bien envie d’en débattre, mais je veux être certaine de garder une ligne claire.
Comme vous le savez, quitter le Sénat après 12 ans, avec autant de journées pleines d’adrénaline, cela ne peut pas se faire dans l’indifférence. C’est la première fois dans ma vie professionnelle que je suis la plus âgée — c’est vrai, j’ai toujours été la plus jeune depuis longtemps, mais là, je suis la plus vieille. Ma mère disait souvent : « C’est moi la plus vieille. » Je vais donc me permettre de vous parler de ce que j’ai appris en 12 ans. C’est vrai, j’ai changé d’affiliation à quelques reprises, mais j’ai toujours été fidèle à mon serment d’assermentation, et j’ai toujours écouté ma conscience.
Comme le remarquait la sénatrice Lankin mardi dernier, tous les sénateurs ici présents sont des premiers de classe, et c’est la première chose que l’on observe quand on arrive au Sénat. On se dit : « Oh, c’est intéressant. »
Dans mon cas, comme l’a écrit notre ex-collègue l’honorable André Pratte dans son livre sur le Sénat — et comme plusieurs l’ont indiqué —, je suis avant tout une intellectuelle. C’est par cela que j’acquiers mes expériences. On est supposé le faire par expérience, mais dans mon cas, l’expérience est venue après. J’ai d’abord été professeure; j’ai enseigné la politique publique, puis j’ai fait un grand stage concret au gouvernement du Québec. Après, j’ai décidé — parce que la ministre m’avait dit que si je voulais faire cela, je devais me présenter — de faire un saut dans l’action collective et la politique. Je suis maintenant au Sénat, qui était un meilleur emploi pour moi.
Mon aventure au Sénat ne faisait pas partie d’un plan de carrière. Je n’ai pas choisi de devenir sénatrice — à l’époque, on était appelé au Sénat. En 2012, quand on m’a approchée pour sonder mon appétit, j’ai évidemment été flattée, mais j’étais en train d’écrire un livre, Créer et partager la prospérité : sortir l’économie canadienne de l’impasse, et j’essayais de faire la paix avec l’idée de la retraite — j’avais 63 ans. Je suis contente d’avoir accepté cet honneur et privilège dont je ne mesurais pas toute la portée quand le sénateur Carignan, que je connaissais peu, m’a appelée pour me dire : « Vous êtes sur une courte liste, êtes-vous intéressée? » J’ai été nommée au Sénat en septembre 2012 par le très honorable Stephen Harper, que je remercie de sa confiance.
À cette époque, le Sénat venait de traverser une crise existentielle qui avait commencé en 2013 autour de ce que les médias appelaient le « scandale des dépenses au Sénat » — cela venait me chercher chaque fois que j’écoutais les nouvelles. Tous les sénateurs, et en particulier ceux qui avaient été récemment nommés, ont été traumatisés par cette expérience. Toutefois, cette crise a mis en lumière une réalité décrite par le juge Charles Vaillancourt dans sa décision qui exonérait l’ex-sénateur Duffy, au sujet de la mainmise du Cabinet du premier ministre sur les affaires du Sénat.
Plusieurs politologues ont décrit à quel point il est facile pour un premier ministre de contrôler le Sénat quand celui-ci est bipartite, c’est-à-dire composé de deux caucus, et que c’est le premier ministre qui décide des nominations.
Depuis les débuts de la Confédération, la réalité est que le Cabinet du premier ministre a toujours agi de manière à obtenir une majorité des votes dans les deux Chambres. Il suffit alors au parti au pouvoir d’imposer sa ligne de parti au Sénat au moyen d’un système informel de récompenses et de punitions et le tour est joué. Toutefois, je dois reconnaître que certains sénateurs, souvent ceux de l’opposition, ont parfois trouvé des moyens de s’opposer efficacement quand c’était nécessaire. Ce n’est pas quand il y a une ligne de parti que l’opposition est toujours silencieuse.
Chers collègues, et en particulier ceux et celles qui ont été récemment nommés au Sénat, ne soyez pas surpris de vous demander à l’occasion sur quelle planète vous êtes tombés. Ce fut mon cas aussi. C’est pourquoi j’ai entrepris dès mon arrivée de faire une petite recherche sur les sénats dans le monde. Étant économiste de formation, mon conseiller de l’époque, Étienne Gabrysz-Forget, et moi avons travaillé à faire de nombreux tableaux statistiques des sénats du monde pour obtenir des réponses aux questions que nous nous posions.
Est-ce que le bicaméralisme est en bonne santé? Est-il en progression ou en régression dans le monde? Je voulais savoir si les sénateurs sont généralement nommés ou élus. Quelle est l’étendue de leur mandat et de leur pouvoir? Quels sont les sénats bipartites, comme celui du Canada? Existe-t-il des sénats indépendants?
Cette recherche existe toujours; elle date, et ce serait intéressant de la remettre à jour, mais je peux vous dire que les sénats bipartites sont plutôt rares. À part aux États-Unis et dans quelques petits pays insulaires du Commonwealth, il y a peu de sénats dans le monde où il y a seulement deux groupes ou caucus.
À cette époque du Sénat bipartite au Canada, et c’est le cas encore aujourd’hui, les sénateurs sont nommés jusqu’à l’âge de 75 ans, alors que, dans la majorité des sénats du monde, les sénateurs sont élus. Cela a des inconvénients, mais aussi des avantages.
C’est au moyen de cette étude comparative et d’autres lectures que j’ai vite compris que, pour assurer l’indépendance institutionnelle du Sénat, il fallait qu’il existe au moins trois groupes ou caucus, pour qu’il devienne difficile pour un groupe d’obtenir une majorité absolue et qu’il ne puisse être contrôlé par le parti au pouvoir.
À la suite de cette étude et après mes lectures, avec l’ère du temps et en raison de la crise que nous vivions, j’ai commencé à répéter, quand je le pouvais, qu’il était nécessaire de briser le bipartisme. À cet effet, le groupe des crossbenchers à la Chambre des lords s’imposait comme un modèle possible pour le Sénat du Canada.
J’aimerais vous raconter un peu plus en détail l’anecdote à laquelle le sénateur Dalphond a fait allusion. À l’été 2015, j’étais encore affiliée au caucus conservateur, et plusieurs sénateurs, libéraux comme conservateurs, se questionnaient sur l’avenir du Sénat. Les sénateurs Greene et Massicotte ont organisé un colloque et mené un sondage pour connaître l’opinion des sénateurs sur différentes questions. Pour ma part, je plaidais l’importance d’avoir un Sénat constitué de plusieurs groupes, mais je n’étais pas certaine jusqu’où je pouvais aller dans mon rôle de sénatrice qui appartenait à un caucus.
Grâce à l’ingéniosité de ma conseillère de l’époque, Natasha Entwistle, qui travaillait à mon bureau, j’ai obtenu un rendez-vous en tête-à-tête avec le très honorable Brian Mulroney. Alors que je lui expliquais mes malaises existentiels et que je lui expliquais mes solutions, il m’a interrompue pour affirmer ceci :
C’est clair, il faut plus de deux groupes au Sénat pour faire échec à la dominance du Bureau du premier ministre.
Il avait déjà été premier ministre lui-même et il connaissait la dynamique. Il m’a confirmé que j’avais raison dans mon analyse et dans la nécessité de changer les choses. Quant à mon intention de travailler à la création d’un troisième groupe, il a ajouté : « Peut-être que vous pourriez avoir une petite gêne, attendez après les prochaines élections » — élections qui allaient se produire à l’automne 2015.
J’ai suivi le conseil du très honorable Brian Mulroney et c’est le 8 mars 2016, quelques mois après les élections, que je suis devenue indépendante, ou non affiliée, avec d’autres sénateurs non affiliés, dont la sénatrice Ringuette, qui suggérait alors de mettre en place des caucus régionaux. Elle aussi était arrivée à la conclusion qu’il fallait plus de deux caucus, et nous sommes les deux seules qui avons, à ce moment-là, créé le Groupe des sénateurs indépendants. Au début, ce groupe était informel, car il ne satisfaisait pas aux conditions prévues au Règlement pour obtenir une reconnaissance officielle.
De retour à mon expérience avec le Parti conservateur. J’ai beaucoup appris et cela m’a amenée à réfléchir à d’autres sujets. Je me disais : « Si je ne veux pas suivre la ligne de parti, comment puis-je prendre des décisions sur les projets de loi qui arrivent dans cette Chambre? Je devrais avoir de bonnes raisons si je ne veux pas suivre la ligne de parti pour m’opposer à des projets de loi qui viennent de l’autre endroit et qui sont généralement adoptés par l’autre endroit. » Je me suis demandé quels étaient les critères objectifs qu’un projet de loi adopté à la Chambre des communes doit respecter pour obtenir mon vote. C’est ce que j’appliquais.
C’est ainsi qu’en 2016, j’ai proposé une motion au Sénat, mieux connue sous le nom de « motion no 89 », qui visait à modifier le Règlement pour obliger les comités qui étudient des projets de loi, surtout ceux provenant des sénateurs et des députés, à inclure dans les rapports déposés ici, à titre d’observations, des réponses à une série de questions importantes qui pourraient motiver l’adoption ou le rejet d’un projet de loi.
Ces questions étaient, par exemple : est-ce que le projet de loi respecte la Constitution, la Charte des droits, les traités autochtones, les accords internationaux et la vie privée? Est-ce que des personnes ou des groupes ont présenté de fortes objections en comité? Si oui, lesquelles? Y a-t-il eu un processus de consultation? Quel est l’impact régional d’un projet de loi, s’il y en a un, et doit-on s’en préoccuper? Y a-t-il des erreurs dans le projet de loi? Les versions anglaise et française sont-elles conformes?
C’est une liste d’éléments, me semble-t-il, qu’il serait utile d’avoir pour les personnes qui ne siègent pas au comité et qui n’ont pas le temps de lire tous les témoignages qui ont été entendus. Cette motion, comme je l’ai dit, visait à donner, de manière succincte, l’information nécessaire à tous les sénateurs qui ne participaient pas à l’étude, afin qu’ils comprennent mieux les débats et qu’ils se fassent une opinion. Elle permettait également d’encadrer l’utilisation de notre pouvoir de veto sur des projets de loi adoptés à l’autre endroit avec l’appui de tous les partis ou presque.
Je me disais que je n’avais pas le droit de m’opposer à un projet de loi seulement parce qu’il ne me plaisait pas. Je crois que nous n’avons pas vraiment le droit, même si nous en avons le pouvoir, de refuser l’adoption d’un projet de loi qui a reçu l’appui manifeste de l’autre Chambre. Agir ainsi revient à participer à une joute politique dans laquelle nous ne sommes pas des acteurs légitimes. Nous n’avons pas, à mon avis, la légitimité politique de l’arrogance. Nous sommes une Chambre qui doit se placer au-dessus de cela.
La motion no 89, comme vous le savez, n’a pas été adoptée. Elle a été discutée pendant les travaux du Comité sur la modernisation et on retrouve des traces de ces discussions dans les rapports du comité. Personnellement, j’utilise cette grille d’analyse quand je m’interroge sur un projet de loi, et à plus forte raison sur des projets de loi émanant des députés et des sénateurs, surtout quand le projet de loi ne me plaît pas. Je regarde ma liste, cela ne me plaît pas, mais cela y est, donc je vote en faveur du projet de loi si tous mes critères sont respectés. Tout cela me permet de juger d’un projet de loi adopté dans l’autre Chambre, et ce, à l’abri de mes préférences personnelles. Après tout, aucune personne, si brillante soit-elle, ne peut apprécier tous les points de vue d’une réalité. C’est beaucoup trop complexe.
La motion n’a pas été adoptée, mais peut-être réfléchirez-vous un jour à étudier de nouveau une motion de ce genre.
C’est en mai 2016 que j’ai accepté l’invitation du sénateur Harder, qui était le premier représentant du gouvernement au Sénat, à jouer le rôle de coordonnatrice législative, qui est un titre inventé — l’opposition le sait, c’est un titre inventé —, alors que le sénateur Grant Mitchell est devenu le premier agent de liaison. Ce fut une période très intense dans ma vie au Sénat, surtout que je n’avais pas l’expérience pratique du Règlement. Je ne le connaissais pas sur le bout de mes doigts, comme certains collègues de l’opposition. C’est une chose de lire le Règlement, mais c’est autre chose de l’utiliser en pratique. Je suis très fière d’avoir pu travailler avec les sénateurs Harder et Mitchell, que j’estime beaucoup.
À l’époque, nous n’avions jamais l’assurance que les projets de loi du gouvernement seraient adoptés. C’est arrivé à quelques reprises que les projets de loi du gouvernement obtiennent la sanction royale par une seule voix. Néanmoins, dans le cas d’un projet de loi que je parrainais — c’était le cas — et dont le porte-parole était le redoutable, mais néanmoins sympathique sénateur conservateur Tannas, on a réussi à faire adopter le projet de loi. C’était celui qui abrogeait des projets de loi qui étaient jugés antisyndicaux par plusieurs, y compris moi.
J’y vais d’une petite anecdote au passage sur le premier budget. À cette époque, le groupe des sénateurs conservateurs, qui formait l’opposition, avait la majorité des sièges, et certains sénateurs libéraux ne coopéraient pas toujours avec le gouvernement Trudeau à la suite des événements que l’on connaît, qui ont mis fin au caucus national des libéraux. Le budget a alors été adopté par une voix — le budget par une voix —, parce qu’un nombre exact de sénateurs conservateurs se sont absentés de la Chambre lors du vote. Le leader de l’opposition officielle, qui était à l’époque Claude Carignan, savait compter. Je dois vous dire que Peter, Grant et moi avons eu des sueurs froides. Après le vote, comme vous pouvez vous l’imaginer, nous nous sommes mis à rire pour soulager notre tension.
Plusieurs connaissent la suite de mon histoire. À l’automne 2019, j’ai rejoint le Groupe des sénateurs indépendants, que j’ai quitté en 2021 pour rejoindre le Groupe progressiste du Sénat, le GSI, avec lequel j’avais et j’ai toujours des affinités particulières.
Sachez, chers collègues et chers amis, que j’ai du respect pour tous les sénateurs, peu importe leur affiliation. Si j’ai changé de groupe, c’est en raison de différends. Dans le cas du GSI aussi, c’était en raison d’un différend concernant une vision différente d’un Sénat indépendant. En tout respect pour mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants, j’aimerais quand même parler de la nature de ce différend, qui a été à l’origine de mon départ. Je dois dire que, à mon avis, je l’ai fait pour protéger le multipartisme au Sénat du Canada. Ce différend concernait la portabilité des comités.
Conformément au Règlement — je dis cela pour les nouveaux sénateurs pour que vous l’appreniez, c’est important —, un sénateur qui quitte un groupe reste membre du comité assigné au début de la session, et ce, jusqu’à la fin de la session, qui peut se produire lors d’une prorogation ou du déclenchement d’une élection. L’article 12-2(2) du Règlement date des temps immémoriaux. Il a été codifié dans le Règlement à la fin des années 1960 et le libellé que l’on connaît, qui est un peu plus restrictif que celui de 1960, date de 1972. Cela fait longtemps. On retrouve également cet article dans d’autres sénats dans le monde qui, eux aussi, sont régis par le multipartisme.
Or, depuis quelques années, cet article a été suspendu, de sorte qu’un sénateur qui quitte un groupe ou un caucus ne peut plus faire partie des comités auxquels il siégeait. L’article figure toujours au Règlement, mais il est suspendu pendant cette session en raison d’une motion adoptée au début de la session. Je suis contre cette façon de faire, parce que cette règle soutient, à mon sens, l’indépendance du Sénat. Elle assure un équilibre entre l’équité entre les groupes et l’équité entre les sénateurs.
Je dirais que cette règle est sage. Elle protège un principe fondamental, soit celui d’assurer à chaque sénateur la possibilité de continuer son travail en comité, et ce, avec l’intégrité des privilèges conférés par le statut de membre officiel. Cette règle est bonne pour le sénateur et pour le Sénat. Pour ceux et celles qui connaissent bien les principes philosophiques de John Rawls, cette règle serait certainement adoptée sous le voile de l’ignorance par des individus égaux et rationnels. Pour plus de détails sur les principes de John Rawls — je ne serai plus là, mais mon voisin le sénateur Gold, qui est aussi professeur de droit, est un grand connaisseur des principes de John Rawls.
Je parle de cet article avec conviction, parce qu’il assure une saine mobilité entre les groupes de sénateurs. En 2015, cet article a permis aux sénateurs qui souhaitaient devenir non affiliés de le faire, tout en leur permettant d’assumer leur responsabilité constitutionnelle au Sénat. Obliger un sénateur à quitter son siège de comité s’il quitte un groupe, c’est le punir d’agir selon sa conscience. Cela nuit à l’indépendance du Sénat.
Chers collègues, avant d’arriver aux remerciements, soyez convaincus que le Sénat est une institution importante et que notre travail l’est tout autant. Lorsqu’on arrive ici, on peut penser que le Sénat est une formalité obligée avant la sanction royale. Aujourd’hui, je sais que ce n’est pas le cas. Sachez que vous allez vite l’apprendre. Le Sénat est une institution politique qui a d’énormes pouvoirs, bien différents de ceux de la Chambre des communes. Ce n’est pas notre rôle de gouverner, mais nous sommes les remparts de la démocratie, comme le souligne le titre d’un livre publié par l’honorable Serge Joyal. Nous veillons à ce que les choix démocratiques exprimés lors des élections respectent le bien-être de tous les Canadiens et des peuples autochtones. Pour reprendre une expression sportive, nous sommes surtout des joueurs de défense.
Pour rester important et apprécié des Canadiens, le Sénat doit demeurer indépendant des joutes partisanes, respecter les choix démocratiques et faire preuve de retenue, comme l’a bien exprimé le regretté sénateur Shugart. Si notre travail est surtout de protéger la démocratie, nous pouvons aussi être visionnaires et apporter un certain éclairage sur les enjeux qui concernent la politique publique à moyen et long terme. Nous en avons la possibilité ainsi que le devoir.
J’aurais bien voulu vous parler plus longuement du dialogue social, du dialogue entre les gouvernements et les groupes socioéconomiques et du dernier rapport d’Horizons de politiques Canada, intitulé Perturbations à l’horizon 2024, dans une interpellation qui est au Feuilleton et Feuilleton des préavis. Cela ne sera pas possible.
J’aimerais quand même porter à votre attention ce document qui fait état de 35 perturbations majeures et probables qui pourraient affecter le bien-être des Canadiens à moyen terme. On y parle notamment des problèmes démographiques du Canada, de l’immigration, d’une intelligence artificielle qui se déchaîne, d’une mobilité descendante qui deviendrait la norme, de nourriture qui se fait rare, des hommes et des jeunes adultes mâles en crise, des gens qui ne peuvent pas dire ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, de conflits de valeurs qui divisent la société, d’énergie qui se fait rare, d’endettement des ménages à un point critique et j’en passe. Horizons de politiques Canada demande aux différentes instances publiques, ministères, gouvernements et partis politiques d’en tenir compte dans leurs projets et leurs travaux. Je pense que le Sénat est la Chambre du Parlement qui se doit de réfléchir sur ces problèmes, notamment au sein des comités, afin de jouer pleinement son rôle de Chambre de seconde réflexion. Je vous invite à consulter ce rapport. Horizons de politiques Canada est un organisme de prospective encadré par le ministère de l’Emploi et du Développement social.
J’aimerais partager avec vous ma conviction de l’importance pour le Canada de mettre en place un dialogue institutionnalisé entre les gouvernements et les groupes sociaux et économiques. Je suis d’avis que nous vivons une crise de gouvernance au pays en ce qui a trait aux politiques publiques nécessaires pour travailler ensemble à des solutions face aux enjeux et aux perturbations qui nous guettent. Vous devez l’avoir constaté vous-même en comité, quand on a plusieurs projets de loi qui viennent de députés ou de sénateurs, qui sont là pour combler un vide, mais qui manquent de cohérence et d’envergure. Comme vous le savez, il peut être beaucoup plus difficile de susciter une action collective coordonnée dans les sociétés libres et démocratiques que dans les sociétés autoritaires. Toutefois, cette action collective coordonnée y est tout aussi nécessaire. Au Canada, il faut absolument fortifier et institutionnaliser le dialogue entre les gouvernements et les partenaires socioéconomiques, comme cela se fait ailleurs dans le monde, car la main invisible des marchés ne suffit pas. Les sénateurs peuvent susciter et promouvoir ce dialogue. Nous en avons le pouvoir et la possibilité. Je fais ici une petite publicité : allez lire le dernier chapitre rédigé par un groupe de sénateurs pendant la pandémie. Sous la présidence du sénateur Harder, nous avons examiné ce que nous devions faire. Nous avons entendu des témoignages nationaux et internationaux. Ce fut très intéressant. Nous nous réunissions deux fois par semaine. Nous savions quoi faire. Tout le monde le sait. L’idée n’est pas de savoir le faire, mais comment le faire, surtout au Canada dans notre régime confédéral. C’est très compliqué.
Chers collègues, en conclusion, votre travail est important. Prenez-le au sérieux. En même temps, ne vous prenez pas trop au sérieux. Parfois, il est difficile, quand on a des revers, de se prendre trop au sérieux.
J’en arrive maintenant à mes remerciements, chers collègues. Tous mes remerciements vont à l’équipe du Sénat, qui assure notre bien-être matériel et notre sécurité physique; tout le personnel qui nous transporte d’un édifice à l’autre et qui nous permet d’œuvrer dans un bel endroit propre et lumineux; tous les agents qui nous protègent aussi. J’adresse des remerciements particuliers à Greg Peters, l’huissier du bâton noir. Je veux également remercier tout le personnel qui travaille au quotidien, dans l’ombre, pour que nous puissions accomplir ce que les Canadiens attendent de nous. Je remercie les interprètes, sans lesquels nous ne pourrions communiquer entre nous; tous les responsables de l’audiovisuel, qui permettent aux Canadiennes et Canadiens de juger de notre travail; tous les pages, qui assurent notre confort au quotidien; tous les greffiers, qui nous entourent et qui s’assurent que nous sommes bien informés et que les séances à la Chambre et en comité se déroulent bien. Je vous dis un gros merci.
J’éprouve une grande admiration pour la Présidente du Sénat, qui nous écoute toujours et qui fait un travail exemplaire, ainsi que pour la Présidente intérimaire, qui gère avec aplomb nos travaux avec aplomb.
Je veux remercier toutes les personnes qui ont travaillé avec moi dans mon bureau au fil des années, qui m’ont aidée à assumer mon rôle de sénatrice et m’ont fait bien paraître, comme dit souvent le sénateur Dawson. Je pense à Anaida Galindo, qui m’a aidée dans mes premières années au Sénat à apprivoiser mon rôle de sénatrice. Je pense aussi à Nassim Derdouri ainsi qu’à Étienne Gabrysz-Forget, qui a quitté cette terre et dont je vous ai déjà parlé. Merci à Natasha Entwistle, Véronique Valenti, Alexis Fafard, Eline Hu et à tous ceux et celles qui ont travaillé au bureau du représentant du gouvernement au Sénat.
J’adresse des remerciements particuliers à Amélie Crosson et Marty McKendry, toujours disponibles pour me conseiller. Un merci tout spécial à Julie Labelle-Morissette, avec qui j’ai eu le bonheur de travailler, qui alliait intelligence et gentillesse et qui m’a soutenue pendant six ans. Je remercie aussi Ermioni Tomaras, une avocate chevronnée qui était constamment attentive pour me soutenir au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, ainsi que dans la rédaction et le cheminement du projet de loi S-244. Je remercie également Jeremy Soucy et Alexandre Mattard-Michaud, avec qui j’ai fait équipe pendant quelques mois, mais dont j’ai de bons souvenirs.
Mon passage au Sénat n’aurait pas été le même, n’eût été l’appui constant d’un économiste du travail exceptionnel et ami avec qui j’ai travaillé pendant de nombreuses périodes de ma vie. Michel Cournoyer m’a soutenue tout au long de ce périple et bien avant encore, quand j’étais haute fonctionnaire au gouvernement du Québec.
Enfin, avant mes remerciements personnels, je tiens à remercier Anne Allard, qui travaille à mon bureau depuis près deux ans, sans qui ma vie au Sénat aurait été chaotique à cette période de fin de vie professionnelle. Je la remercie pour son dévouement, pour sa disponibilité et pour la belle personne qu’elle est.
J’ai aussi une pensée toute spéciale pour tous mes amis disparus : Lise Poulin-Simon, mon âme sœur, avec qui j’ai écrit plusieurs livres et qui est décédée beaucoup trop tôt, et le professeur Jack Weldon. Tous deux soutiennent encore, dans mon esprit, l’audace de mes projets et la force de mes ambitions.
Je veux également remercier tous les collègues qui savent écouter et tous ceux et celles avec qui j’ai eu des conversations particulières tout au long de ces années. Vous vous reconnaîtrez. Je veux remercier spécialement tous les sénateurs du Groupe progressiste du Sénat de leur chaleur et de leur amitié. Chers amis, je vous aime.
Enfin, ma famille et mes amis. J’adresse des remerciements spéciaux à mon conjoint, Victor Altmejd, un immigrant venu au Canada en 1969 comme réfugié juif polonais. Il est l’homme de ma vie et le père de mes deux enfants, Simon et Bliss, que j’adore et qui me gardent jeune de cœur.
Victor est arrivé dans ma vie à l’aube de mes 40 ans — alors pas de souci pour celles qu’on qualifie de « vieilles filles ». Il est arrivé accompagné de deux beaux et merveilleux adolescents, David et Sarah, que j’aime comme mes enfants. Il m’a donné la possibilité d’avoir une famille plus nombreuse qu’attendu et des petits-enfants. Je le remercie de m’avoir donné la possibilité de connaître ce qu’est la maternité, pour son encouragement continu dans tout ce que j’ai entrepris et pour son ambition pour moi. Sans lui, je ne serais pas ici. Merci, Victor, et merci à Bliss, Simon, Sarah, David et aux petits-enfants Arielle, Élie, Isaac et Hannah, qui sont ici. J’ai bien l’intention de profiter davantage de bons moments avec chacun de vous. Je remercie aussi mon frère, ma belle-sœur, mes sœurs ainsi que mes parents, aujourd’hui disparus, pour ce qu’ils ont fait pour moi. Enfin, merci à tous mes amis d’avoir continué à conserver des liens avec moi pendant ces 12 années où j’étais moins disponible. J’ai du rattrapage à faire.
J’ai aimé ma vie au Sénat. Chers collègues, vous allez me manquer. Je vais vous suivre. C’est un au revoir et on se reverra peut-être dans une prochaine aventure! Merci.
Des voix : Bravo!