Troisième lecture du projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants (maladie à coronavirus 2019) – Sen. Munson

Par: L'hon. Jim Munson

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L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, en ce 1er mai, nous en sommes presque à notre 50e jour de confinement — le 1er mai.

La crise de la COVID-19 en est maintenant à sa deuxième saison au Canada. Pour la plupart d’entre nous, la crise a commencé quand le temps était encore à la neige. Beaucoup de Canadiens prévoyaient des escapades vers la fin de l’hiver, tandis que d’autres portaient encore une tuque. Il y a encore de la neige au sol dans certaines régions du pays, mais l’arrivée du printemps se fait sentir partout autour de nous. À l’instar de la nature, nous nous sommes adaptés et nous avons changé pour rester en santé.

Les saisons changent, et la main-d’œuvre du Canada aussi. L’été est à nos portes, et la mesure législative d’aujourd’hui vise les travailleurs les plus jeunes du pays, c’est-à-dire les étudiants.

Le Groupe progressiste du Sénat appuie le projet de loi C-15, Loi sur la prestation canadienne d’urgence pour étudiants. Je souhaite que les étudiants aient suffisamment d’argent pour subvenir à leurs besoins de base et pour poursuivre leurs études l’an prochain. Les étudiants avaient besoin d’aide, et le gouvernement a réagi en conséquence.

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Malgré cette aide financière, les étudiants vont devoir acquérir de l’expérience de travail pour les aider à planifier leur avenir. Les emplois pour étudiants sont essentiels, non seulement parce qu’ils leur permettent de s’acheter des manuels scolaires et de profiter de soirées où la bière n’est pas chère, mais aussi parce que les jeunes ont ainsi l’occasion de mieux comprendre leurs points forts et leurs aptitudes.

Même s’ils ne sont pas ici, un certain nombre de sénateurs suivent nos débats. J’aimerais citer la sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan, une ancienne professeure d’université émérite. Elle veut être sûre que ses paroles figureront au compte rendu. Voici ce qu’elle dit : Certains sénateurs craignent que des étudiants décident de rester à la maison et qu’ils refusent des emplois s’ils réalisent qu’ils peuvent gagner un peu plus d’argent en empochant la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants. Toutefois, cela suppose que les étudiants ne sont pas assez intelligents pour savoir qu’un emploi peut leur procurer de l’expérience de travail et leur obtenir des lettres de recommandation pour de futurs emplois. S’ils réussissent à dénicher un emploi cet été, ce sera tout un exploit. De futurs employeurs en seront conscients et ils pourraient fort bien accorder une cote plus élevée à ces étudiants.

Ce sont les paroles de la sénatrice Lillian Dyck, qui nous écoute de la Saskatchewan. J’aimerais faire écho à ses sentiments. Je suis convaincu que les étudiants préféreraient de loin travailler.

Honorables sénateurs, j’espère que nous ne perdrons pas de vue le fait qu’il ne s’agit pas seulement de remplacer un revenu. Nous devrons chercher des solutions créatives pour aider les étudiants à acquérir l’expérience professionnelle qu’ils souhaitent et dont ils ont besoin une fois que ces restrictions de distanciation sociale seront levées.

En attendant, je me réjouis des commentaires des sénateurs Cotter et Harder. Si vous réécoutez ce qu’ils ont dit, vous constaterez qu’ils ont des idées concrètes qui valent la peine d’être explorées. J’espère que le gouvernement porte attention à ces idées novatrices des deux sénateurs.

Malheureusement, les étudiants ne sont pas les seuls à rater des occasions de travail ou de revenus en raison de la pandémie. Parmi les 20 % de Canadiens ayant un handicap, beaucoup souffrent d’isolement, de manque de ressources et de problèmes de santé mentale.

Les amendements que l’autre endroit a acceptés concernant le projet de loi C-15 m’encouragent. La mesure législative accorde aux étudiants handicapés un soutien financier supplémentaire, à hauteur de 2 000 $ par mois. Elle prévoit également un soutien et des solutions visant les personnes handicapées et les personnes âgées concernant les dépenses extraordinaires engagées en raison de la crise de COVID-19. Cependant, l’aide financière n’est qu’un morceau du casse-tête.

Avant la pandémie, nous savions que 45 % des personnes ayant une déficience intellectuelle se sentaient seules, comparativement à 10,5 % des Canadiens en général.

Pour les Canadiens handicapés, la distanciation sociale se traduit par une diminution des services et des soins spécialisés. Les personnes ayant des besoins particuliers sont inquiètes, car les ressources, déjà sollicitées au maximum, sont rationnées dans l’ensemble du réseau. Elles ont dû mettre une croix sur leurs sorties sociales et sur leurs perspectives d’emploi depuis que les centres sans rendez-vous, les services de répit familial et les programmes de soin de jour ont cessé leurs activités. Elles ne savent plus à quoi se raccrocher, tandis que leurs proches ploient sous le stress, les responsabilités et le fardeau des soins à prodiguer jour et nuit.

Les personnes handicapées qui vivent dans des centres d’hébergement de longue durée et des foyers collectifs subissent elles aussi les effets de la solitude et les contrecoups du tarissement des ressources en santé. Survivant avec un minimum de soins et incapables de sortir de leur chambre, elles n’en sont pas moins terrifiées à l’idée d’attraper la COVID-19, car les risques d’infection sont beaucoup plus élevés dans ce genre d’endroit.

J’en ai visité un grand nombre au fil des ans. Prenons l’exemple d’une personne autiste qui habite dans un de ces centres d’hébergement à long terme. Qu’il soit situé dans une maison de banlieue d’Ottawa, à Orléans par exemple, ou à Aurora, en Ontario, les services offerts doivent être individualisés. C’est absolument nécessaire, car on parle ici de gens anxieux, incapables de s’exprimer ou dépressifs. Tout cela dans un tout petit espace. Imaginez-vous vivre et travailler dans un endroit pareil; vous sentiriez-vous protégés?

Jonathan Marchand, qui est atteint de dystrophie musculaire et qui habite dans un centre d’hébergement de longue durée du Québec, a dit ceci : « À l’heure où on se parle, nous vivons dans l’isolement total, extrême. »

Jonathan craint que, alors même que le gouvernement commence à lever les restrictions, les établissements de soins de longue durée soient les derniers endroits où tout redeviendra comme avant la pandémie.

Il dit : « On ne voit pas la lumière au bout du tunnel. »

Je pensais justement aux paroles de la ministre Qualtrough, elle qui est une championne de la cause des personnes handicapées, comme la communauté de ces personnes le confirmera. Le projet de loi C-81, qui porte sur l’accessibilité et que nous avons adopté au Sénat, sera, j’ose l’espérer, un symbole d’espoir et, pendant cette période, il servira de modèle pour le traitement futur de toutes les personnes handicapées. Par contre, j’ai été frappé par les paroles de la ministre lorsqu’elle a parlé des énormes lacunes dans les établissements de soins de longue durée au Canada — des énormes lacunes et du manque de réglementation. À mon avis, ce sont parfois la déréglementation et la privatisation qui sont à l’origine de ces lacunes. J’ai entendu la ministre raconter les histoires d’horreur qu’elle a entendues. Ainsi, à mon avis, il faut vraiment repenser comment nous allons traiter les gens qui ont des handicaps à l’avenir.

La crise nous donne la possibilité de constater où nous avons échoué. Profitons de cette prise de conscience pour nous améliorer. Selon moi, les employés des établissements de soins de longue durée doivent être mieux formés et qualifiés, et ils méritent des emplois à temps plein mieux rémunérés. Je parle de postes à temps plein dans un même établissement, pour que les employés n’aient pas à se rendre d’un endroit à un autre. Nous savons ce qui s’est produit dans les établissements de soins de longue durée, où les employés sont mal rémunérés et vont d’un établissement à un autre pour travailler : le virus s’est propagé. On constate la même chose dans des centaines de foyers pour personnes handicapées un peu partout au pays.

Il leur faut — maintenant et pour toujours — suffisamment d’équipement de protection personnelle pour assurer leur sécurité. Nous avons manqué à notre devoir envers les travailleurs et, partant, envers les personnes qui comptent sur eux. Il fallait donc s’attendre à cette tragédie.

Je tiens à remercier les sénatrices Deacon, St. Germain et Seidman de leurs interventions et de leur appui. Elles ont rappelé qu’il ne fallait pas oublier la réalité des personnes handicapées au pays. Nous devons toujours prêter attention aux personnes handicapées.

Les travailleurs des établissements de soins de longue durée font plus que nourrir les personnes handicapées et leur apporter des soins personnels et des services médicaux. Ils sont aussi des compagnons. Ils assurent une liaison avec la famille et permettent l’accès des personnes handicapées à la collectivité. Ils sont indispensables aux personnes qu’ils servent.

Aujourd’hui, je profite de cette tribune très publique pour remercier chaque travailleur du domaine des soins de longue durée et des soins personnels pour leur dévouement et l’attention qu’ils portent à nos êtres chers. Merci.

Je sais cependant que la meilleure façon d’exprimer notre gratitude est de travailler pour faire changer les choses.

En Ontario, environ 3 000 personnes habitent dans des établissements de soins de longue durée en raison d’une déficience. On estime que plus de la moitié d’entre elles ont moins de 65 ans. Comme Jonathan, au Québec, un grand nombre d’entre elles préféreraient avoir de l’aide à domicile pour pouvoir habiter avec leur famille, là où elles se sentiraient chez elles et pourraient participer à la vie de la collectivité. Il faut les écouter.

Honorables sénateurs, je conclus en disant que je regarde vers l’avenir. Il faut changer la façon dont nous nous occupons des Canadiens qui ont une déficience intellectuelle ou physique. Il faut tout revoir. Il faut examiner la façon dont on traite les Canadiens les plus vulnérables, plus particulièrement dans les établissements de soins de longue durée.

Une prise de conscience s’impose au Canada en ce qui concerne les soins aux personnes ayant une déficience permanente, un important groupe qu’on a oublié. Merci.

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